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Et la question que le député de l’Auvergne devait poser à Gambetta ?

La question ? Il n’a jamais pu la poser ; il guettait l’occasion, il était dans la commission d’enquête, il avait la langue levée… Au dernier moment, le président, Saint-Marc Girardin, le prit à part et lui dit ce mot adorable : « Je vous engage à ne pas poser de questions à M. Gambetta ; cela pourrait amener quelque discussion. »

N’est-il pas épique, ce mot d’Orléaniste adressé à un représentant qui avait été choisi, pour sa droiture, uniquement, pour faire une besogne de justicier ?

Un fils d’Italien, qui représentait simplement les 12, 000 électeurs de Belleville qui l’avaient envoyé à la Chambre, a pu exercer pendant des mois une autorité que n’aurait pas eue un roi absolu ; il a pu contracter des emprunts, envoyer à la mort des milliers de malheureux pendant qu’il se chauffait les tibias au feu, nous empêcher de conclure une paix qui nous aurait laissé la Lorraine et nous aurait épargné deux milliards.

Saint-Marc Girardin trouve ces choses parfaitement normales, et il dit au terrien, au provincial qui souhaiterait avoir des explications : « Ne posez pas de questions, cela ne se fait pas. »

J’estime que ce simple épisode éclaire bien l’absence de tout sens moral, l’espèce d’ossification de conscience de tous ces meneurs de l’Assemblée qui nous ont conduits où nous en sommes.