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l’objet d’un respect mêlé de crainte ; ils se prennent eux-mêmes au sérieux. Je me souviens d’une exhibition d’une garde-robe royale. Les privilégiées étaient placées sur une estrade, en des fauteuils qui ressemblaient à des trônes ; et Worth, solennellement, criait en agitant son mètre comme un magicien aurait fait d’une baguette : « Allons ! la série des robes de chambre, avancez ! »

Tout cela se fait gravement, pompeusement. Des femmes, regardées comme intelligentes, se soumettent à des séances de quatre à cinq heures, à la veille d’un événement mondain, comme l’inauguration d’un nouveau théâtre, pour étudier l’effet du bleu, du rosé, du blanc, sur des robes qu’on éclaire successivement à la lampe, au gaz, à la lumière électrique.

Elles n’ont même pas la pensée de faire profiter des Chrétiennes de l’argent qu’elles dépensent. Un groupe de femmes dont le nom, en dehors des cocodettes bruyantes, a une influence mondaine, honnête et méritée, aurait pu réunir en un atelier ces jeunes filles laborieuses pour lesquelles la vie est si rude, les former en association, leur commander des vêtements simples. L’élan est si vite donné à Paris, que, le lendemain, la mode aurait été de porter des toilettes modestes et de se fournir à cette association féminine.

Loin de concevoir un tel projet, les femmes du monde se regardent comme les obligées des faiseuses célèbres qui consentent à les habiller. La fête de la couturière est un événement ; ses clientes lui envoient des cartes, des bouquets, des cadeaux : la maison est encombrée dès le matin. Il y a là un tableau de genre tout fait, que la plume d’un essayiste parisien nous retracera peut-être quelque jour.