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voir de faire reconduire le roi légitime à la frontière.

Ajoutons que trois mille zouaves pontificaux, parfaitement organisés et qui pouvaient se rendre à Versailles sans éveiller l’attention, étaient disposés à venir faire au Roi une escorte d’honneur. Un arsenal contenait à Rennes les armes de ces régiments.

Mais cela même eût été inutile. Tout aurait été emporté dans un élan d’enthousiasme, dans un large et irrésistible courant. L’âme française, ne l’oublions pas, ne ressemblait pas alors à ce qu’elle est aujourd’hui. Il y a un monde entre la France d’alors et la France actuelle ; avilie par l’opportunisme, morte à toute pensée grande, pourrie dans les moelles, préoccupée de sales trafics, de pornographie et de scandales. Les formidables événements de la guerre et de la Commune avaient réveillé le patriotisme dans tous les cœurs, purifié les sentiments : on croyait encore au relèvement de la patrie.

Le peuple de Paris, dégoûté des républicains qui avaient égorgé leurs anciens amis, acceptait très bien la restauration. J’ai entendu vingt fois des ouvriers, qui allaient à leur travail ou qui en revenaient, dire philosophiquement : « Qu’ils ramènent leur Chambord et qu’on nous flanque la paix ! »

Le cœur défaillit au comte de Chambord à cette heure suprême : au lieu d’agir en roi et de mander le maréchal de Mac-Mahon, il lui demanda une entrevue.

De ce côté pouvait encore venir l’acte décisif qui eût tout sauvé. Si le Maréchal avait été de la race de ces militaires francs, joviaux et ronds d’autrefois, il aurait parfaitement compris que le comte de Chambord était de ces hommes qu’il faut jeter à l’eau pour les décider à nager : il lui aurait donné rendez-vous ; il l’aurait invité à déjeuner ; il lui aurait fait boire un