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ils avaient le cerveau conformé d’une certaine façon, ils voyaient comme cela, ils étaient imbus des préjugés les plus bourgeois. Un homme qui occupait une situation dans le monde, comme Jules Favre, pouvait tout se permettre, faire tuer des milliers de créatures humaines, sans être jamais inquiété ; l’idée de fusiller un bâtonnier de l'ordre des avocats, un académicien, eût semblé sacrilège à ces gens polis, comme l’idée de livrer au bourreau un cardinal, un porporato, l’eût paru aux souverains d’autrefois.

Les meneurs de l’Assemblée, d’ailleurs, avaient eu la soif du pouvoir, et au contraire, n’avaient jamais eu faim : l’ambition leur semblait donc excusable dans ses plus abominables malfaisances ; tandis que le malheureux qui avait pris un emploi pour manger, leur paraissait digne de tous les châtiments, puisqu’ils ne le comprenaient pas.

La notion de la réalité fut ce qui manqua surtout à ces hommes d’une honnêteté indiscutable, mais d’une expérience pratique nulle, qui, n'étant ni illuminés par en haut ni renseignés par en bas, devaient fatalement être vaincus par des hommes qui sortaient tout meurtris, tout vibrants, tout fumants, tout souillés parfois, de la vie la plus réelle et la plus difficile.

Prenez le plus illustre de ces vaincus, le duc de Broglie. Que pouvait-il savoir du Paris moderne ? Il n’avait probablement jamais mis les pieds ni dans un atelier, ni dans un café, ni dans un lupanar ; il n’avait causé, les yeux dans les yeux, ni avec des ouvriers déraisonnant après leur journée faite, ni avec des agitateurs de carrefour qui remuent la société en bouleversant des dominos, ni avec des filles qui vivent et meurent de la corruption des villes. Il quittait sa maison pleine d’exemples dignes d’être imités, de glorieuses