vis. N’a-t-il pas pris chez eux les germes de ce scepticisme, qui, transplanté dans un esprit où Montaigne avait déjà creusé, a poussé des rameaux plus hardis chez le disciple que chez les maîtres, sauf un ? Mais ce scepticisme est tout en branches ; il n’a pas de racines. Le doute a sa place dans la doctrine et dans le langage de Pascal ; il n’en a pas dans sa pensée, j’entends le doute des pyrrhoniens, universel et systématique. Par le fait qu’il est chrétien, et dans le sein du christianisme, janséniste, et dans le sein du jansénisme, néophyte, il est sceptique, il l’est avec rudesse, il l’est avec passion, mais d’un scepticisme particulier que les chrétiens les plus raisonnables comme les plus connus pour l’être ont admis et enseigné. Ces sentimens violens que la jeunesse du christianisme a nourris contre la religion et la philosophie, Pascal les a ressentis dans la jeunesse de sa vie chrétienne et les a exprimés avec tout l’emportement dont son âme ardente était capable, avec l’âpreté que mettait sa secte à rabaisser l’homme. Il a dit avec plus de feu les mêmes choses que d’autres, et cependant on lui attribue des opinions particulières. A tort. Les têtes les plus solides savent mal se défendre contre les entraînemens d’une foi nouvelle, et puisqu’on parie du scepticisme, il ne serait pas difficile de montrer que Bossuet, « le docteur infaillible », l’a recommandé, bien plus, l’a prêché. Or, l’auteur du traité de la connaissance de Dieu et de soi-même était-il sceptique ?
M. Gandar a observé que Bossuet, à mesure qu’il augmentait en âge et en autorité, croissait aussi en tolérance.[1] Le scepticisme est, chez les chrétiens, une des formes de l’intolérance ; Bossuet l’a donc abandonné par la suite ; mais dans les premières années de son sacerdoce, il en a fait l’apologie ; je ne dis pas qu’il l’a embrassé, ni ne le crois. Le scepticisme est au fond, et non moins à la surface, du sermon
- ↑ Gandar, Choix de sermons de la jeunesse de Bossuet, p. 51.