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actes, ces facteurs externes qu’on appelle organisation sociale, milieu, atavisme, éducation, habitudes. Certes, on en fait parfois quelque abus, quand on s’en tient à une vue superficielle des faits et à une étude sommaire des caractères. Il est trop commode de ne considérer dans nos actes que les influences qui limitent notre liberté, sans laisser à celle-ci le rôle qu’elle conserve dans la direction de notre vie. Cette tendance a ses dangers que vous connaissez bien ; gardiens de l’ordre social, qu’elle menacerait si elle accaparait la pensée du juge, il vous appartient, dans vos décisions, de lui assigner une place et de lui tracer des limites.

Car vous savez aussi combien il serait injuste de mesurer la responsabilité d’après une sorte de barème théorique. L’égalité devant la loi est l’égal respect des personnes ; elle ne consiste pas en un nivellement aveugle et irrationnel de toutes les situations. La force morale est inégalement répartie entre les individus ; chacun ne doit donc être obligé que dans la mesure de ses forces.

Il faut peser dans les plateaux de la balance d’une part l’influence du milieu et de l’autre la puissance de réaction que comporte notre nature. Toute société, petite ou grande, tend à façonner l’individu à son image, à limiter son initiative, à le mettre et à le maintenir au niveau de la moralité moyenne ; mais cette action immobilisante sur les consciences ne constitue pas pour l’individu une nécessité immuable. J’hérite, non pas de vices déterminés, ni de vertus toutes faites, mais de dispositions profondes, matière première de ma moralité future, et c’est ma liberté qui en fera des vices et des vertus : « Mes ancêtres sont,