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sublimes spectacles, nous limitons le champ de notre vue aux êtres vivants ; eux aussi subissent les effets de la solidarité. C’est elle qui caractérise la vie, car c’est elle qui maintient l’équilibre des fonctions, c’est elle qui relie entre eux les actes de l’économie organique. La mort n’est que la rupture de ce lien ou l’instabilité de l’équilibre entre les divers éléments qui constituent l’individu et qui, désassociés, entreront dans de nouvelles combinaisons d’êtres nouveaux. « Dans le monde vivant, a écrit un naturaliste contemporain, résumant toute cette théorie, si la lutte est la condition du progrès, le progrès n’a jamais été réalisé que par l’association des forces individuelles et leur harmonieuse coordination. »

Que l’on veuille transporter cette loi de la solidarité biologique purement et simplement dans l’ordre moral ou social, ou bien qu’on ne voie en elle qu’un exemple et un précédent, il n’en est pas moins vrai qu’elle a appelé et retenu l’attention des philosophes et des économistes et se vérifie dans tous les domaines de l’activité humaine.

Ne voyons-nous pas, dans le même individu, de quel poids pèse toute son ascendance sur sa constitution physique et morale ? Sans nier le rôle de la liberté et pousser à l’outrance le déterminisme, ne sommes-nous pas contraints de reconnaître en chacun de nous des éléments naturels et héréditaires de moralité qui font varier dès notre naissance l’équilibre général de nos facultés ou la puissance de chacune d’elles ? Le milieu physique, les conditions économiques de la vie, l’éducation, les habitudes, imposent leur empreinte à notre caractère ; notre vie est partagée en quelque