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condescendance sentimentale et gratuite d’un supérieur envers un inférieur, et ne rappelle des distinctions contraires à l’idée d’égalité sur laquelle repose toute politique démocratique.

Elle n’est pas non plus simplement de la fraternité. Ce mot, cher à la démocratie de 1848, aurait ici le tort de ne figurer qu’un sentiment, et les générations contemporaines, moins généreuses peut-être que leurs devancières, exigent que la loi morale s’exprime en un terme scientifique.

Enfin, elle n’est pas seulement le synonyme de justice, car la justice, dépouillée de toute vie sentimentale, a quelque chose de sec et d’étroit. La paix sans amour, qu’elle procure, n’est souvent qu’une trêve instable. « Elle part, a-t-on dit, de ce fait positif que les hommes, sur cette terre, sont obligés par la nature de vivre dans une étroite association et elle se préoccupe de rendre cette association aussi heureuse que possible, par tous les moyens que l’intelligence et le cœur peuvent fournir. »

C’est là, à vrai dire, plutôt une définition qu’un exposé de la doctrine. Voyons sur quels principes rationnels on entend la fonder et quels développements on lui donne.

À certains égards, la solidarité est un fait ou, si on aime mieux, une loi si générale et si fatale que ses manifestations parfois ne nous frappent plus. Elle nous est devenue trop familière.

C’est pour la rappeler constamment à l’esprit de leurs adeptes que les saint-simoniens avaient imaginé dans leur uniforme ce fameux gilet qui se boutonnait dans le dos et qu’on ne pouvait, par suite,