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velle édition de ses Principes d’économie politique, une phrase empruntée à Tolstoï, afin d’affirmer plus nettement « le besoin nouveau de notre temps : celui de faire intervenir dans les relations sociales et dans l’explication des phénomènes sociaux des mobiles autres que le seul intérêt individuel ».

Ainsi donc — étude de l’homme non plus comme l’homo œconomicus sur lequel l’ancienne école bâtissait des déductions, mais comme membre d’une société dans laquelle la vie commune crée des dépendances réciproques — application aux lois économiques et aux améliorations sociales d’inspirations issues d’une autre source que le pur intérêt. — Voilà résumées les deux tendances qui servent de point de départ à la théorie de la solidarité.

Pourquoi avoir choisi de préférence ce mot ? De quel sens nouveau a-t-on voulu le pénétrer ? Pourquoi ne pas dire justice, charité ou fraternité ?

C’est d’abord qu’aux yeux des promoteurs de la doctrine, le mot de solidarité exprime avec force l’union très ferme, indissoluble, des individus en un tout, et la volonté de substituer de plus en plus la considération de la société, ce bloc vivant et agissant, à celle de l’individu.

Le motif de ce choix, c’est aussi qu’en dehors de son acception juridique, très fermée, ce terme présente assez d’élasticité pour servir de signe à des idées encore flottantes, que de vieux mots, affectés à des usages trop limités, rendraient mal en leur donnant des contours trop précis et inexacts.

La solidarité, en effet, n’est pas la charité, parce qu’il est rare que celle-ci ne soit pas un geste de