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d’esprit cassant, tenait, en toutes choses, le mélange de bien et de mal comme l’injure par excellence que lui faisait la vie, acceptait que Dubourg n’eût qu’un peu de ce qu’il aimait pour beaucoup de ce qu’il détestait. Dubourg avait des qualités — il ne prêtait jamais l’argent, il le donnait ; ‬ses mensonges étaient transparents‫ ; ‬et c’était avec une tendresse pure de tout alliage qu’il disait du mal de ses amis — mais il était cagot. S’il n’en avait pas les manières, il en cachait, au fond de son cœur, toutes les arrière-pensées imbéciles. Ce n’était pas un cagot de l’amour de Dieu, mais c’était un cagot de l’amour de la vie.

Et comme d’ordinaire, il s’empressait de justifier l’opinion d’Alain‫ ; ‬avec son regard circulaire, il avait l’air de s’excuser d’une vie paisible qu’il avait pourtant choisie.

Mais maintenant il cherchait, non sans effort, les yeux d’Alain et, s’accoudant à sa cheminée, il lui demandait :

— Où en es-tu ?

— Hum !

— Quand viens-tu ici ?

— Dans quelque temps.

Dubourg se désolait de l’empoisonnement d’Alain et songeait sans cesse à y remédier. Alain, aux moments d’espoir, était touché de l’attention persistante de son ami et, pour s’occuper de soi-même, voulait prendre en exemple un tel zèle. Il avait promis à Dubourg de venir