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Je l’ai vu, roulé dans vos vomis d’ivrognes, hurler à la mort dans une cage d’escalier que descendait la lune, devant une porte où je n’avais pas pu entrer la clé.

Les païens et les chrétiens croient les uns au ciel, les autres à la terre : tous au monde. Moi je suis de ceux-là, je suis de ces millions-là. Pourquoi ne m’as-tu pas craché au visage ? Tu ne croyais qu’aux bailleurs, aux gens du monde, aux succès de femmes. Tu étais vulgaire et incapable de ta vulgarité. Car tu n’avais pas une démarche élégante, bien qu’elle m’émût aux larmes, il te restait quelque chose de bourgeois dans le derrière qui t’empêchait de voler dans les hautes sphères. Tu étais timide. Tu n’étais aimé que des femmes que tu n’aimais pas, ou de femmes perdues qui aimaient leur perte dans ta perte.

Tu aurais voulu écrire et tu étais aussi inepte devant le papier qu’un membre du Jockey. Par un point tu ressemblais à un membre du Jockey.

Tu es mort, croyant que la terre était peuplée de gens du monde, de domestiques et d’artistes amis les uns des autres. Tu avais peur des voleurs et des assassins, tu aimais mieux taper les gens du monde. Cela te faisait de la peine. Tu en es mort. Les gens ne savent pas donner. Mais saurions-nous recevoir, si soudain l’on savait donner ?

Je me rappelle notre jeunesse, quand nous nous baignions à Biarritz. Tu étais amoureux,