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mais on ne saitjamais et on peut toujours avoir besoin d’un plus petit que soi. M. Raphaël Boucherond était directeur de l’Aide aux Classes Pauvres, en plus du fait qu’il avait une usine de bonneterie. L’usine de bonneterie ne marchait pas très bien en ce moment, mais Jimmy trouvait que l’Aide marchait trop bien, du moins pour M. Boucherond. Cela lui paraissait une entreprise éminemment louche, réactionnaire, calotine, faite pour gruger et engluer les populations. M. Boucherond devait y faire son beurre ; en tout cas, il en tirait une importance excessive.

Pourtant, on m’a toujours dit que c’était un honnête homme, déclara péremptoirement Constant qui feignait de connaître le pays.

— Je ne vous dis pas. Mais pourquoi est-ce qu’ils ont tant de beurre ? Encore hier, il leur est arrivé un camion tout plein.

— Pour les soupes populaires.

— Pensez-vous. Y a pas beaucoup de beurre dans les soupes populaires.

— Jimmy, vous ne vous nourrissez pas à la soupe populaire.

— Vous ne voudriez pas. Mais je sais ce que je dis.

Constant, qui prétendait qu’il était là pour une affaire de gazogènes, finit par faire la connaissance dans ce bar de Raphaël Boucherond. On parla de choses et d’autres. On en vint à parler de l’Aide aux Classes Pauvres, puis du Marché Noir et, parlant du Marché Noir, on en revint à parler de l’Aide. En effet, l’Aide était faite