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les Italiens, les agents anglais, américains, russes, les communistes, les fascistes, les curés, les maçons et d’autres espèces encore. Tour à tour, il souriait et fronçait les sourcils, caressait ou sortait sa matraque. Mais une règle de la bande était de se garder des loisirs et assez souvent il revenait à sa chambre du quartier de Grenelle où il retrouvait ses livres et copiait des textes.

Une mission dont il fut chargé par Charles Susini fut plus délicate.

Il arriva dans une grande ville de province et s’installa dans le meilleur hôtel. Pour la circonstance, il était habillé d’une façon un peu plus soignée que de coutume. D’ailleurs le goût qu’il avait pour la canadienne et les chandails qui était déjà assez répandu avant la guerre était devenu tout à fait courant et ne le faisait guère remarquer. Il se mit à fréquenter assidûment les deux ou trois cafés connus de l’endroit : il y avait même un bar américain. Il jeta son dévolu sur le barman qui se croyait plus fondé qu’aucun autre à être anglophile, étant donné son costume, ses alcools, ses étiquettes et son prénom même, car il se faisait appeler Jimmy. Comme tous ceux de la limonade, il avait beaucoup de considération pour les bourgeois qu’il servait, elle se confondait avec la considération qu’il avait pour lui-même. Mais une considération générale est faite de pas mal d’ironies particulières ; aussi, ce ne fut pas bien difficile pour Constant