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c’était la pierre de touche. La pierre de touche dans toute conversation dans le monde entier, chez les Samoyèdes et chez les Zoulous. Il y avait une immense affaire Dreyfus de par le monde.

« Je m’intéresse beaucoup plus aux penseurs de l’Asie qu’aux pensées des Européens et des Juifs », songea-t-il une fois de plus.

Il ne le dit pas à haute voix, pensant que personne ne comprendrait. Il repensa à la phrase de la Brihad Upanishad qu’il avait transcrite et dont les beaux caractères rouges se détachaient devant ses yeux avec la même beauté indestructible qu’il y avait dans les seins de Paulette. Les deux beautés étaient en lui. Pourtant, il avait éprouvé le besoin de s’approprier par un geste, par le geste de l’écriture, les mots sanscrits qu’il ne comprenait pas mais qu’il reproduisait avec une vénération plastique. Bah, aux seins de Paulette il déléguait les doigts de Tony. Ne les avait-il pas touchés lui-même en touchant les seins de la bretonne, l’après-midi.

Le repas était fini et on laissa la table couverte d’ordures pour passer dans le salon qui était plutôt un fumoir. On parla à Constant de la prochaine affaire dont il aurait à s’occuper.

Constant s’habitua à son nouveau métier. « Il n’y a pas de sot métier et chaque métier est sot si l’on y tient. Du moment que je ne suis pas un artiste rivé à une nécessité féroce et souriante… Mais je suis un artiste, seulement mon art est entre les arts. Il n’y a pas de sot métier et chacun est un art. Même un commis-voyageur qui