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— Ce sont d’infimes minorités et qui travaillent pour tel ou tel étranger.

— Mais ces minorités croient se servir de l’étranger pour leurs buts français, nota Charles. Elles pensent bien mettre dedans ceux qui les mettent dedans.

Robert haussa les épaules.

Le plus faible est toujours celui qui est mis dedans en dernier lieu ; nous sommes et à jamais les plus faibles.

Nous sommes tout de même moins faibles que les Vénézuéliens, répliqua Tony.

Tony semblait beaucoup moins sceptique ou dégoûté que les autres : ce n’était peut-être qu’une apparence due à son physique. Constant avait appris que le courage physique n’engendre nullement le courage moral. Il avait de l’attirance et de la répulsion pour ce Tony qui était aussi grand et large que lui. Mais qu’il froissât ses mains sur les seins si durs de Paulette ne le gênait pas plus que le petit Charles.

Raymond reprit, montrant davantage l’amertume qui était sous sa jovialité :

— Je ne crois pas qu’il y ait beaucoup d’anglophiles, de germanophiles ou de communistes qui comptent vraiment échapper à leurs maîtres. Je crois même qu’il n’y en a pas un. Ils aiment leur servitude, ils ont besoin d’obéir.

— Et puis, ils sont payés, ils aiment encore plus cela. Combien de milliers de Français vivent en ce moment à la solde de l’étranger, sous un prétexte ou un autre ?

— Cent mille.