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— C’est pourquoi tout s’arrangera.

Constant parlait d’une voix indifférente. Les hommes sont tous pareils, dans chaque catégorie ; ils se rangent au premier regard dans une catégorie. Celui-ci était de la catégorie des escrocs délicats et faibles qui ne sortent pas de leur petit péché. Il ne le lâcha pas d’une semelle, jusqu’au départ.

Pendant le trajet, il jugea utile de lui dire brusquement :

— Il y a quelque chose qui ne va pas dans ton carnet.

Il dit cela d’un ton ferme et conciliant. Tissot sursauta et lui jeta un regard de reproche haineux.

— Pas du tout.

— Bon.

— Voulez-vous que je vous explique ?

Il avait envie de revoir le carnet qu’il regardait à travers le veston de Constant.

— Non, mais si vous disiez la vérité, je pourrais arranger cela avec le patron.

— Je vais vous expliquer.

Constant sortit le carnet dans un bistrot près de la gare, avec un regard significatif pour le cas où l’autre aurait voulu sauter dessus et le déchirer. L’autre se lança dans une explication embrouillée que Constant ne comprit pas ; mais la preuve était faite : il se sentait coupable. Le rendez-vous avec Charles Susini n’était pas chez lui, mais dans un garage. Il y avait avec Charles deux hommes qui examinèrent Constant des pieds à la tête, en connaisseurs.

— Des copains, dit Charles.