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prit le train jusqu’à Orléans où il coucha. Il se leva à cinq heures et fit les quinze kilomètres à pied jusqu’à la ferme. Il trouva tout le monde endormi, la porte close. Quand une porte est fermée, une autre est ouverte, en l’occurrence celle d’une réserve par derrière où il avait fureté pendant l’autre nuit. Il entra carrément dans le bâtiment d’habitation, sans craindre de faire du bruit, tournant les boutons d’électricité. Il alla droit au lit où était Tissot et, tandis que l’autre se réveillait péniblement, prit son portefeuille sous l’oreiller ; dans le veston sur la chaise il trouva un carnet.

L’autre, qui couchait dans sa chemise de jour sale avec un tas de tricots, hurla :

— Voulez-vous laisser ça ; ça va vous coûter cher.

— C’est plus simple, ça évitera les soupçons et les discussions. Comme vous êtes en règle, le patron s’en apercevra. Nous rentrons à Paris. Il a besoin de vous pour un autre poste. Votre remplaçant va arriver tout à l’heure par le car.

Mais l’autre se levait et faisait mine de batailler. Constant sortit une petite massue de caoutchouc qu’il avait gardée d’autrefois.

L’autre avait l’air horriblement ennuyé et enragé. Constant se dit qu’il aurait été plus facile de le ramener en voiture qu’en train, mais qu’après tout il n’y avait pas d’esclandre à craindre de ce caissier en fuite.

— Ne vous en faites pas, le patron ne vous veut pas de mal. Seulement de la correction.

— Je suis correct, personne n’est plus correct.