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Nous n’habitons jamais avec des femmes.

— Moi non plus.

Là-dessus on sonna et une des géantes entra. Elle était fort bien bâtie, comme une tour, avec un visage un peu fatigué.

— C’est Paulette. Je te présente Constant, le copain d’hier au soir.

Paulette retira son chapeau, son manteau, s’allongea sur un canapé en allumant une cigarette. Elle avait les épaules, la poitrine, les hanches larges. Ses dents étaient un peu jaunes.

— J’ai vu Aline tout à l’heure qui m’a dit qu’elle ne viendrait pas ce soir.

Elle dit cela à Raymond qui sourit.

Constant regardait tout cela. Il était satisfait. Lui n’avait plus guère de femmes. Quand il avait besoin d’une femme, il en prenait une n’importe où et une profonde intimité s’établissait en un instant. De loin en loin, il revoyait telle ou telle.

Le lendemain après-midi, il monta dans une camionnette de maraîcher avec Raymond, qui prit la direction d’Orléans.

— Nous allons un peu surveiller ce qui se passe par là, déclara Raymond.

Aux approches de la forêt d’Orléans, ils quittèrent la grand-route et par des petits chemins ils arrivèrent à une ferme isolée. Il faisait nuit. On faisait là de l’abattage clandestin. Des paysans amenaient leurs bêtes et un mastodonte, débauché de l’abattoir d’Orléans, les traitait. Ils restèrent là toute la nuit à surveiller le travail qui était parfois interrompu, car les paysans arrivaient les