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— Ah. Prisonnier ?

— Évadé.

— Ah. Quel genre de travail cherchez-vous ?

— Pas dans un bureau.

— Venez chez nous demain. Susini, 27, boulevard de Grenelle.

Ils s’éloignèrent sans lui serrer la main, ce qui plut à Constant.

La lune était plutôt un disque qu’un globe. Il aurait été idiot de dire que ce disque était en argent. L’argent, c’est autre chose. Il aimait l’argent, il avait un flambeau en argent dans sa chambre qu’il avait pillé en Alsace et envoyé à Paris. Il aimait avoir un beau flambeau en argent, bien monté. Chez lui, avant de dormir, il allait lire une belle page forte, du même métal que ce flambeau.

Le lendemain, Constant vint chez les Susini. Il n’avait aucune envie de faire de nouvelles relations, il lui semblait qu’il connaissait bien mieux les hommes dans l’intimité de la rue que dans la parade des relations. Mais ceux-ci lui plaisaient assez, et puis il venait de se donner une ventrée de solitude, et puis il fallait songer au travail et à l’argent. Il entra dans un appartement banal, mais où la banalité était combattue par le vide ou un désordre assez net. C’était avant le dîner, les deux petits Susini étaient là, mais pas les femmes. Constant trouva ça plus sérieux. On lui offrit du tabac et du Cinzano, mais les deux ne buvaient ni ne fumaient.

— Vous êtes Français ?

— Dame. Je m’appelle Constant Trubert. Ma famille