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Les deux petits gras échangèrent un regard. Tout cela se voyait, parce qu’il y avait une lune comme un globe électrique d’autrefois.

Le concierge ivrogne regardait Constant, ahuri :

— Qui, qui me dénoncera ?

— N’en demande pas plus. Et si tu as des cousins en province, va donc faire un petit tour chez eux. Tu me rapporteras des pommes de terre. Allez.

Il le laissa et il se retrouva avec les quatre. Ils se regardaient tous les cinq, confiants et souriants. Le plus fluet et le plus gras dit à Constant :

Vous avez l’air de rêver et vous voyez les choses.

— Je rêve etje regarde.

Le petit gras avait une voix méridionale, chaude, plus forte que lui, tempérée par une pointe de gouaille parisienne. Sous la graisse, il avait une figure bien dessinée, avec un nez bien droit, bien direct et des yeux qui cherchaient, atteignaient, gardaient l’homme. Constant se plaisait à lui. L’autre, un peu plus grand, la figure plus large, se contentait de rire silencieusement, il montrait des dents serrées. Les deux femmes étaient bien plus grandes que les hommes, elles paraissaient deux géantes, mais elles ne venaient qu’à l’oreille de Constant.

— Qu’est-ce que vous faites dans la vie ? demanda le moins petit qui n’avait encore rien dit.

— Rien. Mais il va falloir que je fasse quelque chose. Je viens de rentrer à Paris.