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— Paie et va-t’en, tu nous emmerdes depuis deux heures.

L’autre grommela, protesta et fit mine de se rasseoir, mais Constant le prit par le bras et le mena au comptoir. L’autre dut payer et s’en aller.

Constant paya aussi et s’en alla. Mais les quatre qui s’étaient levés et qui s’en allaient aussi sortirent avec lui. Ils avaient remarqué la petite scène d’un air froid, amusé, attentif.

Dehors l’ivrogne était là. Une des deux femmes fit : « Oh », comme si elle craignait du vilain. Constant alla droit au type et le prit par le bras de nouveau. C’était chez lui un geste familier. Il avait de grandes pattes lourdes, il était grand et lourd et pesait sur le bras du type. Il le poussait un peu à l’écart ; l’ivrogne protestait et parlait de son droit :

— Je vous prie de me laisser tranquille. Je ne vous parle pas.

Il n’était plus saoul, il n’avait jamais été bien saoul ; mais il avait une vieille âcreté terrible dans le foie et dans les veines.

— Si, tu me parles, fit Constant d’une voix calme, indifférente, presque morne. Et tu dis des bêtises.

Les quatre de la table s’étaient approchés. L’attitude des deux petits hommes gras était comme celle de Constant, calme, indifférente, pas méprisante.

— Tu dis des bêtises. Tu ne savais pas que tu parlais devant des gens qui vont aller tout droit te dénoncer.