Page:Drieu La Rochelle - Les Chiens de paille, 1964.djvu/74

Cette page n’a pas encore été corrigée

n’aimait pas qu’on parlât de la chose, surtout à tue-tête. Et puis, quelques jours auparavant, le patron avait beaucoup cru, ayant par hasard écouté la radio et sur la foi d’un monsieur qui se disait renseigné, à la fin de la chose ; et il ne s’était rien produit, ce qui l’avait dégoûté pour quelque temps du rêve. Alors, il était d’autant plus agacé par le poivrot. Et puis, il n’était pas sûr des gens qui étaient encore dans le bistrot. Il n’y avait presque personne, mais enfin en dehors de la table des quatre sur lesquels il semblait avoir une certitude, il y avait Constant qui demeurait dans un silence et un isolement gênants, bien qu’il parût à la coule, et il y avait une table où il y avait deux inconnus, un homme et une femme, qui avaient l’air de ne pas écouter ce que disait l’ivrogne, mais n’en perdaient pas un mot ; s’arrêtant de parler par moments pour mieux l’entendre. On ne sait jamais, on peut avoir un ennui au moment où l’on s’y attend le moins. Le patron connaissait l’ivrogne : c’était un concierge du quartier qui était aussi quelque chose chez Citroën. Communiste ? Ou autre chose. Provocateur ? Peut-être. Pourquoi pas ? Est-ce qu’on sait ?

Quelqu’un entra. Le patron le connaissait. C’était un type de la secrète qui habitait dans le quartier. Il ne travaillait pas par ici, mais enfin il avait l’œil par habitude. Oh ! il pensait comme tout le monde ; mais enfin le patron regretta de n’avoir pas foutu le poivrot à la porte avant. Mais l’ivrogne était quelqu’un du quartier. Il ne faut pas se faire d’ennemi ; on ne sait jamais. M.