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il était connu dans le pays, il pouvait se permettre davantage et il en venait à hanter la zone même des fortins et des barbelés qui était tendue sur le fond de la baie. Il remontait même plus au nord-est, mais comme la presqu’île de Wahy était toute interdite, il devait s’arrêter auprès d’un enclos de tamaris et d’ajoncs qui était implanté à l’articulation même du fond de la baie et de la presqu’île. La clôture était épaisse et ce n’était que d’une dune voisine qu’on apercevait un toit bas caché parmi les touffes. Les Allemands ne semblaient pas occuper l’endroit et Constant supposait qu’il avait été abandonné par ses propriétaires.

Un jour de grand vent, voyant une petite porte à claire-voie qui battait, écaillée et rouillée, il entra pour griller à l’aise une cigarette. Il fut étonné  : quelqu’un vivait là encore  ; où il s’attendait à voir un recès plein de mauvaises herbes il y avait un délicat et étrange jardin. Entre d’étroits et sinueux chemins de galets cimentés, les plantes grasses de la dune étaient présentées avec un tel art qu’elles semblaient des signes rares réservés à l’étude d’un peintre chinois ou japonais, et du côté le mieux abrité derrière une triple clôture de tamaris, d’ajoncs et de claies de roseaux assurées à des poteaux de ciment, il y avait comme l’allée d’un cloître. Cette allée parcourait toute la longueur du jardin depuis l’entrée qui s’était offerte à Constant jusqu’à la maison basse qui ouvrait la baie vitrée d’un atelier sur le savant parterre. Personne, semblait-il, dans l’atelier, ce qui rassura Constant et lui fit faire