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— Il est vrai, admettait Constant, qu’il y a en toi quelque chose de très primitif qui peut-être rejoint le Russe. Mais quand même, les éléments primitifs peuvent se coordonner de façon si différente. Il y a en toi une étincelle individualiste qui ferait scandale en Russie.

Bah, tu ne connais pas la Russie plus que moi. On s’en fout de tes suppositions et de tes craintes. Qu’est-ce que ça me fout de me tromper sur les Russes  ? On verra bien un jour quand on sera vraiment en contact avec eux.

— Quand il sera trop tard. Quand ils seront maîtres de l’Europe et qu’ils tiendront sous leurs bottes tous les petits individualistes comme toi.

— Et toi. On se débrouillera et on réagira.

— On ne réagira pas du tout, on sera maté.

— Quand le communisme russe sera établi dans toute l’Europe, tous les hommes seront libres de se défendre contre lui et de le rendre plus humain. Pour le moment, c’est une machine de guerre et donc de police, mais le jour où cela sera vainqueur, cela se détendra et cela s’humanisera.

— C’est exactement ce que d’autres disent de l’hitlérisme. Chacun ne souhaite la victoire que pour ensuite montrer ses bons sentiments.

— Mais l’hitlérisme se détendra dans la vie bourgeoise, tandis que nous, nous aurons cassé les reins à jamais au capitalisme.

— Et vous aurez rétabli à jamais le despotisme, l’absolutisme. C’est d’ailleurs ce qui me plaît dans votre système  : la destruction complète de types comme toi, mon petit Salis. Tu seras zigouillé