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Anglais se perdaient dans la servitude aux Allemands. Les uns avaient les mêmes défauts et les mêmes faiblesses que les autres. Plus ils étaient divisés et plus ils se ressemblaient  : plus le collaborateur crachait sur le gaulliste et plus il lui ressemblait et réciproquement. Et les communistes, en dépit de leur plus forte armature extérieure, ne différaient pas intimement de tous les autres. Tous, moins ils étaient français et plus ils l’étaient, mais négativement, stérilement, tout en creux.

Quand Constant était venu voir Préault, Préault raccompagnait Constant jusqu’au pont de la Vère. Ils s’accoudaient au long garde-fou de fonte qui barrait les eaux ternes de la rivière. Constant était étreint par une profonde mélancolie quand il considérait le voisinage de ces énormes et solitaires engins qu’étaient le pont et l’usine et de cette nature demeurée primitive, sables et marais. La désolation naturelle et la désolation artificielle s’affrontaient dans une confidence sinistre. Certes, la notion d’artificiel est un mensonge et tout ce que fait l’homme sort de la nature, pourtant Constant ne pouvait arriver à croire avec ses sens que cette fonte et cette brique étaient de la même matière que la vase et le sable. Les longs bâtiments de briques pesaient sur l’embouchure de la rivière. Leur couleur, à peine altérée par la fumée et les embruns, faisait de longs traits durs sur le fond mol des eaux, du ciel, des sables et des tourbes  ; sa terrible sécheresse tranchait sur toute l’humidité naturelle de ce paysage du nord-ouest. Mais sans doute