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dans le Paradis, dans l’Eden, et vous voyez l’homme et la femme, Adam et Ève. Dieu, étonnez-vous que cela soit sorti de vous et étonnez-vous plus encore de la colère idiote qui vous vient, colère contre vous-même que vous retournez contre eux…  » Mais pourquoi choisir cette référence biblique alors qu’il y a dans d’autres livres sacrés, chez les Indiens, des propos qui transcendent tellement ce thème sommaire de la création.

L’homme et la femme s’étaient enlacés. L’homme avait voulu parler, mais la femme lui avait mis la main sur la bouche. Constant la bénit pour ce geste rare. Et aussitôt une solennité telle remplit la conque de sable et par réverbération la conque du ciel que, selon le vœu du rêveur, la réminiscence de l’histoire sotte et infirme (du moins apparemment) de la Bible disparut avec son comique émouvant. De profondes et diaphanes sentences arabes, perses, indiennes, chinoises, prirent le pas dans son esprit. Et aussi les mots aigres et mats du nord, des mots celtes, Scandinaves, germaniques, slaves. La femme avait écarté l’homme et se dévêtait lentement. Constant ferma les yeux et entra dans le deuxième degré de la prière. Il ne s’agissait plus d’un homme et d’une femme, ni même de deux corps  ; il ne s’agissait même plus de l’enfantine conjonction des mondes, des rendez-vous, des flirts, des papotages cosmiques. Non, c’était quelque chose dans les entrailles de Constant – qui n’étaient pas des entrailles et qui n’était pas Constant. Constant fasciné par soi-