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épars mais il était encore autre chose, il était aussi ce monde concentré. Il était le monde et le monde devient le contraire de lui-même et devient Dieu. Dieu voit tout et ne voit rien. Qu’est-ce que le monde, cette création, pour Dieu  ? Comment lui advient-elle, cette création  ? Qu’est-ce que ce point blessant et imperceptible  ? À jamais, cela n’est pas. Constant pouvait regarder et ne pas regarder. Pour lui, c’était tout comme. Il savait de quoi il retournait. Il avait tant fait l’amour aux quatre coins du monde. Il avait fait l’amour dans le sable et dans les lits, avec toutes les classes et avec tous les sexes, avec des femmes, des hommes, des enfants, des animaux, des dieux. Il n’avait plus rien à apprendre, et il savait que rien ne s’apprend jamais. Il savait qu’il allait mourir et déjà il était si mort qu’il était dans une complicité, une intimité indicible avec cela qui commençait de se faire et qui serait bientôt fait. Alors, s’il regardait, cela serait comme une prière. C’était cela, la prière, du moins le premier degré de la prière, le degré humain. Être proche des êtres, être dans les êtres, intime aux êtres. Charité. Les paroles maladroites, imbéciles, touchantes par leur maladresse et leur imbécillité, des prières courantes de l’Occident lui venaient d’abord aux lèvres. «  Mon Dieu…  » L’égoïsme passionnément insinuant de ce mon. «  Mon Dieu, voici donc qu’encore un homme et une femme…  » Pourquoi, encore  ? Tout est dans une seule seconde et rien n’a jamais été, n’est ou ne sera que dans cette seconde. «  Nous sommes