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que Tolstoï ou Dostoïevsky – tout Russe pouvait être patriote et qu’un étranger pouvait l’être aussi à condition qu’ils rendissent d’abord hommage à la patrie russe. L’entrée dans le patriotisme des communistes, si oblique que fût la démarche, avait eu un effet irrésistible sur tous les petits bourgeois intellectuels pour qui tout ce qui venait de ce côté-là était tabou. Préault avait considéré de son regard myope, furtif, qui était doucement acharné, cet heureux changement. Le fait qu’il n’était jamais parvenu à dissimuler tout à fait son patriotisme aux contempteurs lui donna parmi ceux-ci, quand ils se mirent dans l’ornière, le prestige un peu attendrissant et un peu ridicule d’un ancêtre dont on doit à la fin admettre en vieillissant qu’il avait toujours eu raison, mais qui a le tort d’être un ancêtre. En tout cas, Préault n’avait pas abusé de la nouvelle situation car il était fort discret et fort retenu et s’il éprouvait maintenant la joie de se détendre et de se rouler dans sa passion, il ne montrait toute la violence de cette satisfaction qu’en des éclats brefs, mais qui étonnaient encore chez cet homme à la voix doucement chantante, au regard aussi vite rentré que sorti, à la démarche hâtive et frileuse.

Comme il se rendait au Creux dans ses sandales de silence, Constant fut arrêté par des voix qui venaient. Il se cacha. Il se trouvait au revers d’une butte qui dominait une petite conque de sable. La silhouette s’y jeta avec l’