Page:Drieu La Rochelle - Les Chiens de paille, 1964.djvu/35

Cette page n’a pas encore été corrigée

Constant allait voir Préault de temps en temps ou Salis. Susini lui avait recommandé de prendre connaissance de la région. Constant devait parfois faire effort sur lui-même, surtout pour aller à l’usine de la Vère. Le Creux, à la lisière des dunes, lui plaisait plus – surtout quand une femme n’en faisait pas son boudoir. Mais il était encore parmi les humains et il avait accepté de servir Susini. D’ailleurs, une fois qu’il était devant Préault il oubliait sa répugnance  ; son ultime curiosité à l’égard des humains était aiguë et si souple qu’elle ressemblait de quelque manière à la charité.

Il y avait dans Préault une passion qui pour être pétrie de colère et de haine n’en était pas moins douloureuse, au contraire. Il était complètement buté, plus il s’enfonçait dans l’asservissement et plus il se croyait libre, ou en voie de le devenir. Il était enchaîné à son poste de T.S.F.  ; la vie lui arrivait par là. Fuyant la présence des Allemands, il s’identifiait aux Anglais qui étaient libres des Allemands, mais il ne s’apercevait pas que dans cette identification il perdait la qualité de Français qu’il voulait justement sauver. C’était exactement le phénomène inverse de celui qui se produisait pour d’autres qui, s’assimilant aux Allemands, ne se considéraient pas comme occupés. Et, en effet, ils ne l’étaient pas, mais alors ils n’étaient plus français, ce qu’ils prétendaient demeurer avec le même entêtement absurde que Préault.

Salis montrait une conscience beaucoup plus vive, une hypocrisie beaucoup plus active, un cynisme