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dit de me méfier de toi, mais il n’y comprend rien. Moi, je sais ce que sont les hommes. J’ai su tout de suite que tu étais un type en qui, moi, je pouvais avoir confiance. Tu es affranchi, comme nous disions autrefois. Bon, alors il y a là, dans le noir, deux hommes, traqués, il faut que tu les caches dans la maison.

— Ceux qui les traquent sont sur la piste immédiate  ?

— Non, je ne te demanderai pas l’impossible. Il n’y a pas trente chances sur cent qu’ils viennent les chercher ici.

— Entendu.

Constant fit le nécessaire, en dehors des deux gardiennes. Il montra beaucoup d’expérience et de prudence. Quand, deux jours plus tard, Salis vint rechercher ses hommes, Constant lui dit  :

— Une autre fois, je te prie de me demander mon avis plus tôt.

— Force majeure.

— Je t’emmerde.

L’autre avait ri doucement et était parti dans le noir. Après cela la conversation était facile et même avec Préault qui était assez façonné par l’action pour ne pas tout le temps tenir compte de ses anciens préjugés, bien qu’ils subsistassent dans les devants vétilleux de sa conscience.

— Au fond, je te comprends, dit Salis à Constant, tu es un anarchiste. Je l’ai été, je peux te comprendre, mais je ne le suis plus. Toi, tu es trop vieux pour changer, faut te foutre la paix.