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Tiens, c’est le garagiste Salis qui a averti ce M. Préault.

— Oui.

— Vous avez été rapatrié avec les vieilles classes  ?

Ils ont rapatrié les vieilles classes  ; leur calcul n’était pas mauvais, je suis bien fatigué.

— Je comprends ça, fit M. Préault avec regret.

Constant et lui se racontèrent leur courte campagne.

M. Préault s’en alla, respectant sans conviction la réserve du nouvel employé de M. Susini. On devait se revoir.

Constant reconnaissait pas à pas ce pays naturellement fermé sur lequel pesait encore la contrainte de la guerre. Mais n’y a-t-il pas toujours plusieurs contraintes sur un pays  ? Les marais étaient ternes, les bois étaient muets, les gens bouche cousue. Il avait porté à la Kommandantur les papiers qui l’autorisaient à séjourner dans la zone côtière et, les jours suivants, il avait lié connaissance comme il convenait avec quelques Allemands. Il savait quelques mots d’allemand. Après cela il s’était risqué à circuler dans la zone des dunes qui était entre la mer et les marais. Cette zone l’attirait pour sa douceur blonde et parce qu’en temps ordinaire il y aurait chassé les oiseaux de mer. Comme il aurait aimé les longs affûts dans ces creux de sable, embroussaillés de plantes dures. Ces temps-ci la mer était aussi plate que le marais. Il ne s’extasiait pas beaucoup sur la mer, il l’avait trop connue dans sa