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français, le dernier Français de la France seule, de la France petite, de la France patriote, de la France seulette. Jésus était le dernier Hébreu, plus décadent que tous les Hébreux décadents, plus juif que tous les Hébreux devenus juifs. Il a été le dernier à croire au Messie, au Messie qui viendrait sauver Israël. Israël envahi, occupé depuis sept siècles ! Il a été le dernier cri hébreu avant la destruction de Jérusalem, avant que les Hébreux ne deviennent définitivement et àjamais des Juifs. Eh bien toi, il faut que tu meures comme Jésus. Il faut que les Français sacrifient le dernier Français.

On entendait des voix au-dessus de la porte du caveau qui était restée ouverte. Constant y alla et la ferma d’un coup de pied. Mais il se ravisa, la clé était au dehors. Il rouvrit la porte, prit la clé et referma la porte. C’était une forte porte…

Susini s’était rué sur lui. Constant se débarrassa de lui à coups de crosse. Il lui abîma la figure, les mains. L’autre gémit et se rencogna.

Cormont, bien ficelé, n’essayait pas de remuer. Il était assez déprimé. Mourir jeune est possible dans un élan, c’est plus difficile à tête reposée.

— Bon, reprit Constant avec une satisfaction maniaque, je continue. Tu comprends, mon petit Cormont, il n’y a que le sacrifice, la vie est un sacrifice. Toutes les religions antiques, qui ont détenu tout le secret humain, l’ont dit et l’ont fait. La vie est un sacrifice, une hécatombe, un perpétuel abattoir fumant à la face des dieux. Mais le seul vrai sacrifice, c’est le sacrifice humain. Tout ce que l’homme peut faire, c’est de reconnaître