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peu depuis deux ou trois jours. Qu’est-ce que ça signifiait ? Cela ne signifiait rien, cela signifiait qu’aucune signification d’aucune sorte ne s’attachait à Susini. Et c’était de cela qu’il allait avoir à rendre compte.

— Donne-moi ce feu, dit Constant à Susini.

Susini s’écarta brusquement de Constant qui tendait la main.

— Mais dis donc, tu es devenu cinglé ? Mais qu’est-ce qui te prend, encore ?

— Donne-moi ce feu.

— Si tu veux te faire crever, tu n’as qu’à venir le prendre.

Constant éclata de rire, d’un rire que Susini ne lui avait jamais connu, d’un rire violent, hystérique, qui se complaisait dangereusement en lui-même. Le rire résonnait dans la caverne d’Ali-Baba où s’entassaient les grenades, les mitraillettes, les pistolets. Constant s’avança vers Susini.

— Tu crois que je ne vais pas tirer, siffla Susini.

— Si. Tire.

Susini tira aux jambes. Constant poussa un hurlement, une reprise aggravée de son rire. Il avait une balle dans la cuisse, mais son battoir s’abattait sur la main et le feu qui se trouvèrent séparés.

— Assieds-toi là et ne bouge plus. (Il le bousculait, le crossait.) Tu es un salaud.

— J’aurais dû me méfier. Les ratés ont toujours de ces crises.

— Oui, tu aurais dû te méfier. Tu ne sortiras pas