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de la peine à vous en dépatouiller. À moins que les Allemands ne vous couvrent comme agent provocateur, ce dont je doute.

Susini le regarda avec sérieux.

— C’est embêtant, tout ce que vous me dites là, très embêtant. Cela devient sérieux.

— Très sérieux. Moi, je suis sérieux : vous, vous êtes frivole.

— Et si je négociais avec les autres votre passage avec armes et bagages ?

— Il faudrait qu’on me rende le camion et que l’un de mes hommes constate que tous se sont retirés et que la route est libre. Mais ils ne voudront pas.

— Voulez-vous que j’essaie ?

— Vous allez tout bonnement les prévenir de mon attaque. Je n’y tiens pas.

— Vous serez près de moi.

— Je vous zigouillerai avec plaisir, si vous bronchez… Mais moi, je parlerai plutôt, je n’ai pas besoin de vous. Puis non, c’est impossible, j’y ai déjà pensé. Je ne peux pas les menacer de mon attaque, j’ai beau être mieux armé qu’eux, ils sont beaucoup plus nombreux, j’ai besoin de la surprise. Je ne peux pas, d’autre part, les menacer de faire sauter le dépôt ; ils n’y croiront pas, l’espace est trop restreint pour que je puisse le faire, sans auparavant avoir évacué. D’un autre côté, jeter toutes ces choses dans l’étang, c’est long et ils viendront ensuite en repêcher la moitié… Non, décidément, je m’en tiens à mon premier plan : l’attaque à minuit.

— Vous êtes fou.