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fondamentale entre ces dieux et ceux de ces marais  ? Ceux du marais étaient moins connus, et pourtant ils vivaient encore dans l’âme des hommes, et peut-être dans celle de Constant. «  J’ai connu les routes et les dieux, et leurs odeurs particulières. À vos souhaits.  »

Il enfila son vélo et la chaussée.

La maison était gardée par deux femmes aussi édentées l’une que l’autre, bien que l’une fût jeune si l’autre était vieille. Elles avaient cet air convaincu et satisfait de tous les gens qui servaient Susini, cet air bien abrité des pauvres qui aident à s’enrichir ceux qui ont prouvé une fois pour toutes qu’ils savent le faire. De l’autre côté de la maison, les marais étendaient vers l’ouest des moires presque sans entraves de chaussées et de lignes d’arbres et finissaient à une ligne de sable. La vieille conta que la mer était au-delà de cette ligne de sable.

Deux jours après, un monsieur vint voir Constant.

— J’étais venu voir si Susini était là.

— Je ne sais pas quand il viendra.

— Il reste quelquefois très longtemps sans venir.

Le monsieur qui était devant Constant l’examinait avec une curiosité incapable de se dissimuler. C’était un de ces corps trop grands, trop maigres avec des dents en avant vertes et sales, comme en produit la province avaricieuse, alcoolique, tarée. Ces hommes-là portent la syphilis dans