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« Depuis quelques années, je me dis tout le temps que je dois mourir, mais aussi que je dois réaliser en mourant une opération exemplaire. Or, quelle est l’opération exemplaire ? Le sacrifice. Le centre du destin humain, c’est le sacrifice. Tout se résume, se résout, s’exprime, se signifie par le sacrifice. Le sacrifice est le centre de la Bible et le centre des Védas. Le sacrifice est l’essence du destin humain. Et cela ne fait que se retrouver dans le Christ, l’Oint, ce sacrifié perpétuel.

« Mais le sacrifice a deux sens : le sens du sacrificateur et le sens du sacrifié. Par les deux sens on connaît la mort. Le sacrifice, c’est la connaissance totale de la mort, simultanément chez celui qui la donne et chez celui qui la reçoit. Le dieu chrétien est victime et bourreau de lui-même et l’autel de son propre sacrifice.

« Mais il y fut aidé par Judas. Cormont n’est pas mûr pour être victime consciente, encore moins pour être conscient bourreau de soi-même. Il lui faut donc le fameux Judas.

« Je le serai. Il faut que je donne un coup de main a ces Sadducéens et Pharisiens qui sont là ameutés contre le médiocre Adonis de Roxane. »

Aussitôt, il avait en tête un plan précis. Ce plan était le résultat subit d’une méditation si ancienne, il était l’expression fortuite, fortuitement théâtrale d’un besoin si familier, si intime que l’exécution en était assurée, elle devait se faire avec une aisance irrésistible.

Il fallait attendre la nuit. La journée se passa en flâneries de part et d’autre : chacun jouissait du magnifique