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fond d’un point de vue plutôt littéraire et esthétique. Il avait entrevu la direction de la Délivrance, mais il n’avait pas eu la force de s’y engager. Il était resté dans le siècle en rechignant, mais il y était resté. Dans le plus sordide du siècle, employé de Susini. (Qui était Susini ? Aucune importance de le savoir.) Il n’était pas capable de dominer la mort de son vivant, par l’ascèse qu’il entrevoyait mais qu’il n’étreignait pas. Alors, il se rejetait sur l’idée occidentale d’une mort qui au moins serait un acte conscient, net.

« Le stoïcisme, c’est tout ce qu’a inventé l’Occident, qui n’est pas capable d’aller plus loin, qui n’est que dans la vie immédiate. Certes, il y a dans les couvents des mystiques, et même sans doute de vrais initiés qui connaissent la voix de la Délivrance. Mais c’est trop tard pour moi, je suis trop vieux pour devenir un véritable athlète spirituel. Alors, il faut que je me fasse une mort volontaire, stoïcienne. Comment faire, pratiquement ? »

Il y avait l’affaire Cormont. Il avait été attiré confusément par quelque chose dans cet homme et la position de cet homme qui l’intéressait le fascinait. Cette fascination, c’était celle qu’il exerçait sur lui-même, par ses propres idées. Assez étrangement, il avait poursuivi le thème de Judas parallèlement à ses observations sur le cas Cormont. Ce parallèle brusquement devenait une convergence. « Ils sont tous contre Cormont. Tous ces Français, arrachés à la France désormais sans pouvoir sur eux parce que trop petite, pris