Page:Drieu La Rochelle - Les Chiens de paille, 1964.djvu/214

Cette page n’a pas encore été corrigée

passé un chandail par-dessus la veste de son pyjama. Il était dans l’ombre, accroupi dans l’herbe humide parmi des buissons et il s’écoutait. Un sentiment précis venait de poindre en lui : il répugnait à nuire à Cormont : ça c’était un peu fort et inattendu. Était-ce si inattendu que ça ? N’avait-il pas déjà, depuis le premier jour, senti remuer en lui une sympathie pour ce Cormont ? Et puis enfin, il l’avait délivré. Mais il croyait ne l’avoir fait que par jeu. « C’est comique que je m’arrête dans l’ombre pour soudain discuter avec moi-même. Je me fous de la politique. Et si je ne m’en foutais, je trouverais idiote la position de Cormont. Ils ont tous raison contre lui. Préault, Salis, Bardy. La France seule, cela ne veut plus rien dire. Si j’étais du siècle, je serais pour une internationale ou pour une autre. Les Français qui remuent travaillent tous, sous un camouflage patriotique, pour l’une ou pour l’autre. Cormont lui-même n’échappera pas à cette fatalité, ou bien il sera brisé par la coalition de tous. C’est ce qui lui arrive en ce moment, déjà. Bardy l’a jeté contre Salis, demain, ils lui courront tous après et Dieu sait ce qui lui arrivera. Et ce sera bien fait pour lui : on ne peut rien contre la fatalité de son temps. Ou on joue les Don Quichotte, c’est-à-dire les farceurs. Don Quichotte était un farceur et le savait ; un propre à rien qui faisait exprès de ne rien faire de propre. Au fond, Cormont a peur de prendre parti entre l’internationale démocratique, l’internationale fasciste et l’internationale communiste ; c’est pourquoi il se réfugie dans cette