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Il la repiqua. Le sang perla à la cuisse. Il dut lui faire plusieurs piqûres, de plus en plus profondes. En même temps, il lui tenait brutalement la main sur le visage. La cuisse peu à peu se couvrait de sang.

Enfin, elle parla. Mais elle commença par dire un mensonge…

— Si vous ne me dites pas tout de suite la vérité, je vais vous taillader les seins.

Il la regardait avec un peu de haine, car il ne la désirait pas, il sentait le désir àjamais mort en lui. Et cette haine était comme le reste d’un regret. Il pensait trop à l’imminence de sa propre mort pour désirer encore quoi que ce soit. L’idée de l’irrémédiable venait de s’installer en lui. « Je pensais à ma mort depuis quelque temps. Mais maintenant, je sais que c’est dans un pays de marais que je vais mourir. Et bientôt. Je viens de sentir que pour la dernière fois je tiens une femme dans mes bras. »

Elle finit par lui dire où était Cormont.

— Si vous ne m’avez pas dit la vérité, je mettrai le feu à votre maison.

Il essuya son couteau et le remit dans sa poche. Puis il dénoua son lien. Elle le regardait d’un air profondément intéressé.

— Vous auriez dû être communiste.

— On n’est pas communiste. On est russe ou on n’est pas russe. Je ne suis pas russe.

— Mais vous n’êtes pas français, non plus.

— J’ai été au bagne, voilà tout.

Elle n’avait pas de haine contre lui, bien qu’elle fût profondément décidée à exercer contre