Page:Drieu La Rochelle - Les Chiens de paille, 1964.djvu/206

Cette page n’a pas encore été corrigée

terre, voilà donc ce qui ne m’attache plus à la terre. »

Elle se déshabillait avec lenteur, sans émoi, dans une grande détente et une grande nonchalance, en goûtant la gratuité de son geste. Elle semblait indifférente à ce qui s’ensuivrait et ne rien attendre.

Quand elle fut allongée nue sur le sable, il s’agenouilla auprès d’elle et, ramenant doucement les deux belles mains sèches derrière le dos, il commença de les attacher avec le cache-nez roulé. Elle se laissait faire, croyant à un jeu. Peu à peu, il serrait plus fort. Mais un peu de douleur peut être une promesse de plaisir : elle ne bronchait pas, soupirant à peine. Quand il l’eut soigneusement liée, il la retourna vers lui. Alors il lui dit.

— Vous allez me dire où est Cormont.

Il disait cela d’un ton ferme, mais assez caressant. Elle sourit.

— Non.

— Vous allez me le dire.

Il sortit son couteau de poche et lui piqua la cuisse. Elle était devenue sérieuse. Un pli profond se creusait entre ses deux sourcils admirablement dessinés : elle se concentrait pour résister.

— Je vais hurler.

— Qui viendra ?

— Peut-être un Allemand.

— Et alors ?

— Je vous haïrai, je me vengerai.

— Tant mieux. Allons, dites.