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— Vous n’êtes pas bête comme tous ces Français qui ricanent toujours à l’idée qu’on « fait cocu » celui-ci ou celui-là.

— Il est bien impossible de faire comme vous dites un Liassov.

— Je n’ai pas la force de vivre de sa vie tout le temps.

— Bien sûr, une femme a besoin de nourrir sa féminité qui dépérirait si elle n’absorbait pas la vitalité de celui-ci ou de celui-là. Une femme se nourrit de l’air du temps et l’air du temps transporte mainte particule virile. Seul, l’homme peut se retirer hors du temps. Pourtant, il y a des femmes mystiques.

— Ah ! voilà ce petit bois de sapins, s’écria-t-elle.

— Oui, c’était ici.

Il montra la conque de sable.

Il ne lui dit rien, mais la regarda durement. Elle crut comprendre ce qu’il avait dans l’esprit. La journée d’octobre était belle et encore assez chaude. Elle commença de se dévêtir. Mais lui ne fit pas de même. Il restait immobile, impassible. Elle avait jeté sur le sable un long cache-nez de laine dont il s’empara et dont lentement il fit une tresse. « Les femmes sont vaines de leur corps, même quand il n’est pas beau. En tout cas, celle-ci qui a un plus beau visage qu’elle n’a un beau corps a raison d’en être vaine. Car ce corps a été bien aimé et en garde une invisible splendeur… Voici peut-être la dernière fois que je vois un corps de femme. Voilà donc pourquoi l’homme, cet ange, est attaché à la