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— Non, j’étais là en train de lire, couché sous les sapins.

— Ah oui, je me rappelle ce petit bois. Mais c’est là, tout à côté.

— Oui, nous y arrivons.

— Vous me connaissiez déjà ?

— Non.

— Cela a dû vous amuser de me voir chez Susini, ensuite.

— Il y a longtemps que je vois les êtres autres qu’ils ne sont dans le moment où je les regarde.

— Sans doute… Et… qu’aviez-vous vu sur mon visage ?

— Une âme, bien sûr, une âme. La faim fait sortir le loup du bois et le plaisir fait suer le visage d’une sueur spirituelle. Ce n’est pas beaucoup dire, car il y a plusieurs épaisseurs d’âme dans un corps.

— Ah, vous croyez aussi à ces choses ?

— Oui, comme Wladimir Liassov.

— Bardy sans doute ne me tirait pas du corps mon âme intime.

— Non, celle-là, il n’est pas d’être humain qui puisse la faire sortir. Seul, Wladimir, et encore…

— Vous avez l’air de comprendre les gens.

— Oui, je suis témoin que vous ne trompez pas votre mari quand vous êtes aux bras d’un autre homme.

— D’abord, il faudrait que l’homme fût extraordinaire.

— Et par ici, vous n’avez rencontré personne de bien étonnant. Certes, Wladimir est unique.