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à tous ces personnages. Curieux. Est-ce parce qu’elle participe de la conscience supérieure de son mari ? Ou par cynisme politique ? Ce n’est point parce qu’elle est femme, car si une femme se moque des idées des hommes, elle a toujours un intérêt ou une passion qui la fait tremper dans les partis pris par les hommes. Moi qui ai une si piètre idée des femmes, je voudrais bien savoir jusqu’à quel point celle-ci est au-dessus de sa condition. »

Autrefois, Constant, pour se renseigner en telle matière, avait le moyen qui est à la portée de presque tous les hommes, même disgraciés de la nature, la séduction. Celle-ci, à l’occasion, est une manifestation de la volonté beaucoup plus que d’autre chose et un borgne ou un bossu peut pénétrer, s’il s’en donne la peine, une femme aussi bien et mieux que tel ou tel beau garçon incapable de concentration. La séduction quand elle est seulement physique ne va pas souvent bien loin ; mais il est une séduction d’un ordre nerveux plus subtil et plus efficace. Cette séduction, il l’avait parfois exercée, mais maintenant il n’en était plus capable. Il s’était trop éloigné des femmes, il était trop indifférent à leur substance, il n’était plus dans un suffisant état de complicité avec elles. Il était plutôt dans un état d’hostilité et tout ce qu’il pouvait faire, c’était de se laisser aller à cette pente d’hostilité.

Il avait appris que tout est toujours possible et presque à tout moment et presque en tout lieu. Or, le lieu était propice. Ils ne se promenaient pas si loin de cette conque de sable…