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Au fond, Constant avait été agacé par l’intervention de Salis et il demeurait choqué par le manque de réaction de Susini. L’impuissance de Susini était pour lui un scandale, car, depuis qu’il le connaissait, il avait vécu somme toute sur l’idée amusante que celui-ci détenait un pouvoir mystérieux et que sa vulgarité enjouée dissimulait une sorte de distinction. Constant avait envie de faire quelque chose pour manifester sa protestation.

Constant se donnait cette raison pour se dissimuler son mobile véritable qui était sa sympathie pour Cormont. Sympathie ou plutôt pitié. Ce sentiment ne remuait en lui que de façon intermittente et pouvait aussi bien faire place à un sentiment contraire.

Il vit tout de suite ce qu’il pouvait faire, pour déceler où était Cormont ; il se rendit chez les Liassov, à une heure où il savait que Wladimir travaillait dans un isolement complet ; il vit donc Roxane seule. Il lui proposa de venir causer avec lui dans les dunes. Roxane accepta.

Il fut direct.

— Ne trouvez-vous pas qu’il faudrait délivrer Cormont ?

Elle haussa les épaules.

— C’est un enfant, il faut laisser les enfants en liberté, insista Constant.

— Il faut peut-être punir les enfants de ne pas savoir grandir.

— Un jeune Français aujourd’hui arrive difficilement à l’âge d’homme. Vous le méprisez. Mais pourquoi l’avoir encouragé alors ?