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sûr que son jeu est si embrouillé qu’il ne peut faire que des parties nulles et qu’il ne cherche que ça. »

Préault avait vraiment l’air de ne rien savoir de l’affaire, il parut sincèrement surpris et ennuyé. Cela confirma Constant dans l’idée qu’il se faisait des rapports des gaullistes et des communistes. Il est vrai que Préault n’était peut-être qu’un chef honoraire des gaullistes et que certains d’entre eux tramaient des choses derrière son dos avec les communistes. Les gaullistes étaient aussi divisés que les gens du bord de Bardy. En tout cas, Préault devait craindre l’intervention des polices qui non seulement feraient leurs perquisitions chez Susini, mais sans doute iraient plus loin, et par exemple jusque chez lui, Préault. Il est vrai que Constant depuis longtemps soupçonnait que non seulement bien sûr la police française mais peut-être aussi la police allemande savait à quoi s’en tenir au sujet d’hommes comme Préault et Salis : les relations de ces deux-là avec Bardy, mi-figue, mi-raisin, étaient typiques de cet état de choses. Là encore il ne s’étonnait pas et savait qu’il en est ainsi partout : une sorte de ballet assez bien réglé de part et d’autre, une sorte de pacte suffisamment respecté entre deux adversaires qui ne peuvent et ne veulent pas tout le temps se tuer, un droit des gens fait de cotes mal taillées et d’accommodements obliques : cela n’empêche pas les explosions soudaines qui rompent toutes les demi-mesures et terminent atrocement le trantran des jours comme une coulée de lave coupe