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devez comprendre que si j’agis, c’est que je suis sûr de mes derrières.

— Vous n’êtes sûr de rien du tout…

C’était ce qu’inclinait à croire Constant. Salis ne se distinguait de Cormont que par plus d’intensité, mais il semblait avoir agi aussi par une impulsion téméraire. Mais Constant, pour le moment, s’intéressait surtout à son patron. Celui-ci bluffait aussi sans doute. Tout le monde bluffait. Salis moins que les autres ; il avait derrière lui communistes et gaullistes. Qu’est-ce que cela représentait au juste comme entente ? Mais Susini, qu’avait-il derrière lui ? Qui était Susini ?

Salis était parti sans plus de cérémonie. Constant alla à la porte, puis jusqu’à la grille qui séparait le terre-plein, où s’étalaient la maison et son jardin, de la chaussée passant à travers le marais. Plus personne. Il y avait peu de lune et l’eau était sans reflets. Il s’attarda un long moment, pensant à ce petit Cormont. Son obsession de l’histoire de Judas et de Jésus lui revint. Il se secoua, appelant l’ironie : « Non, c est un incident sans signification pour moi. Ils sont tous à mettre dans le même sac. » Pourtant Cormont jusqu’ici avait une position singulière. « Il n’est pas comme les autres, Préault, Salis, Bardy ; il n’est pas un agent de l’étranger. » C’était pourquoi ils étaient tous contre Cormont. Il réalisait bien celui-là le mythe misérable et désolé de la France seule. Mais qu’est-ce que cela pouvait faire à Constant ? Il n’était plus de ce monde. Une petite voix maligne lui susurra : « Avec toute ta métaphysique, tu ressembles d’