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sourd mais violent malaise. Cormont s’écria avec la fausse aisance du jeune homme qu’on intimide mais qui veut crâner :

— Tiens, Constant, comme on se retrouve. Après tout, je ne suis pas mécontent de vous trouver tous là.

En même temps que Salis, il avait vu Roxane, ce qui l’incitait à plus d’audace et aussi à plus de raideur. Son masque de cuir bouilli, bien loin d’étouffer ses expressions, en enregistrait des copies brutales et sommaires qui étaient fort pénibles à voir. Roxane le regarda en face dans un premier élan, puis se détourna. Susini avait l’air soudain d’un monsieur distingué et correct qui s’astreint à suivre pas à pas, sans montrer d’impatience, tous les rites d’une cérémonie.

— On ne se retrouve pas, je vous attendais, trancha Salis, qui avait toute son exultation sarcastique et contenue.

Cormont, qui était pâle sous son rouge, blêmit.

— Vous venez pour les armes ? demanda Salis.

— Oui.

— Eh bien, je suis là pour les garder.

Cormont avait aussitôt une saine, trop droite réaction : il sortait un revolver. Susini haussa les épaules et fit : « Tst. » Salis ne sortit pas de revolver.

— Posez ça sur la table. J’ai trois fois plus d’hommes que vous et beaucoup mieux armés.

— Vous bluffez, s’écria Cormont.

Il y avait dans sa voix un espoir juvénile qui soudain sonnait clair.