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— Oui, ils sont méchants et gourmands, comme les enfants. Mais justement ce jeune Cormont n’est pas très gourmand.

— Les jeunes gens sont très hypocrites, nota encore Constant.

— Ils le sont si naïvement, jeta Susini. Il ne cache guère son jeu avec vous, Roxane.

— Non, fit-elle en éclatant de rire.

Susini ne semblait faire aucun effort pour mater les menues grimaces d’une jalousie dont Constant sentit qu’elle était pourtant supportée avec aisance.

« L’amour est devenu une drôle de chose, ces temps-ci. »

— Mais je me demande s’il n’est pas trop intellectuel, reprit-elle avec une curiosité à peine tendre et un peu dédaigneuse.

— Il fait tout ce qu’il peut pour se frotter à la vie, sourit encore Susini.

À ce moment, on sonna la cloche à la porte d’entrée. La jeune domestique qui servait alla ouvrir. Il y eut du brouhaha à la porte et Salis parut soudain dans la grande salle où l’on mangeait.

Salis n’était pas seul, il était accompagné de cinq ou six gaillards qui entrèrent sans façon derrière lui. Susini eut un vif mouvement de mauvaise humeur qui ne se manifesta ni par des paroles ni par des gestes. Simplement, son teint se brouilla davantage et le timbre de sa voix fut plus impertinent, quand il s’écria :

— Voilà une entrée en force ou je ne m’y connais pas.