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le passa avec une indifférence hiératique. «  Les puissants me doublent ainsi depuis toujours, mais moi j’avance vers la mort tranquillement.  »

Une borne lui annonça qu’il approchait. Brusquement les bois de sapins cessèrent, mais le pays n’en resta pas moins court  ; tout plat, il finissait à la première haie. Un ancien garage était au bord de la route, un homme était devant le garage. Constant sauta de sa monture. L’homme était petit et noiraud. «  Il n’est pas du pays, c’est un de ces mécanos échappés de la ville. Tiens, pourtant il a des yeux verts.  »

— Tu connais par ici la maison d’un M. Susini  ?

Le petit noiraud, qui l’avait tranquillement regardé venir, posa sur lui un regard encore plus tranquille.

— La Maison des Marais  ? Oui, je vais t’expliquer.

Il expliqua avec une précision insolite, une autorité agressive, tout en le dévisageant, en lui dépiautant le masque avec un couteau. Mais sur les os de Constant, masque et visage, meurtris et tannés, ne faisaient qu’un. Et il avait lui aussi un regard à jamais dégainé que rien ne pouvait faire dévier. Cela mettait tout de suite chacun de plain-pied avec l’autre.

— Mais il n’est pas là, Susini, fit le noiraud.

— Ça ne fait rien.

— Tu ne trouveras personne à qui causer.

— J’attendrai. C’est Susini qui m’envoie.

L’œil vert était de plus en plus tranquille. Il parcourait