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au milieu des lignes allemandes et destiné à armer principalement les ouvriers de l’usine Préault que viendraient renforcer les gens de la ville et quelques paysans, sans compter d’autres éléments qui pouvaient surgir de l’arrière-pays. Il était possible que Susini fût du parti anglais. Et pourtant qu’il fût de ce bord-là n’avait pas été le sentiment instinctif de Constant quand il l’avait connu. Il pensait plus volontiers que Susini n’était strictement pour personne, comme lui Constant, bien que pour des raisons différentes : c’était sans doute pour cela qu’ils s’étaient entendus. Cela avait plu à Constant, et il commençait à tenir sérieusement à ce que ce fût l’explication dernière, car les prétentions de tous ces chiens politiques qui rôdaient aux environs le butaient définitivement. Aussi était-il décidé à défendre le dépôt envers et contre tous. Somme toute, Susini avait bien deviné sa psychologie quand il lui avait confié ce poste, il avait avec exactitude pressenti qu’il réagirait ainsi.

L’automne avançait qui semblait la saison par excellence de ce pays gris et plat. Il allait jouir dans le Creux des dernières touches de chaleur et de lumière sur le sable, entre deux semaines de pluie. Susini était venu passer quelques jours, de vacances disait-il. Comme Roxane le visitait assez longuement, Constant était absent presque tout le temps. Le soir, toutefois, il dînait assez souvent avec eux deux. Roxane avait l’air de s’amuser un tant soit peu de l’ironie enjouée et un peu triviale de Susini. Cette ironie faisait un contraste,